13 novembre 2013

Non sanno quello che fanno...

Nous avons été voir, hier, le film de Pasolini "Mamma Roma". Un film essentiel d'après le professeur de philosophie de notre lycée, qui y avait donc conduit beaucoup de nos lycéens. J'avais de mon côté invité mes collègues de l'association Dante Alighieri.
La salle de ce vieux cinéma Lapérouse, appelé à se reconvertir ou à disparaître prochaînement (à cause de l'arrivée d'un complexe cinématographique flambant neuf en plein centre-ville) était donc pleine. Belle performance pour un film sorti en 1962.

Pasolini est de plus en plus reconnu aujourd'hui pour son art. Les italiens lui reprochent sans doute encore la transgression dont il use et abuse pour essayer de faire changer les consciences, mais force est de reconnaître qu'il est à présent bien passé à la postérité : il semble maintenant faire partie du patrimoine, de l'histoire de l'art mondial, comme une sorte de chaînon manquant. Mais tout de même, en quoi ce film est si essentiel ? Ce premier long métrage est une recherche esthétique ou il utilise déjà à son gré, la grande musique de Vivaldi, le grand art (le clair-obscur du Caravage) pour magnifier, pour mettre en gloire tout un monde interlope, le sous-prolétariat de l'immédiate après-guerre en Italie. Les individus de seconde zone sont placés, comme ils le seront souvent chez Pasolini, sous les feux des projecteurs. La grande Anna Magnani est très crédible en véritable Mamma italienne, au caractère bien trempé, vendeuse de fruit sur le marché au grand jour, prostituée sous les réverbères pendant la nuit. Mais que dire de ce fils errant sur les terrains vagues d'une banlieue qui émerge hors du temps et de l'espace (où verrait-on aujourd'hui un tel désert juste à côté des dernières barres d'immeubles de Rome, entre aqueducs fracturés et restes antiques ?). A travers les ruines éparses de Caracalla, pas de terre promise mais un horizon toujours bouché de ces grands ensembles de béton tout neuf des années 60 qui enserrent au loin une coupole improbable. L'image d'une carte postale sépia dans laquelle il faut tout de même réussir à se battre, pour vivre, aimer et vivre coûte que coûte. L'explicite est cet amour inconditionnel, littéralement sacro-saint, d'une mère pour son fils qu'elle aimerait arracher à son destin de crucifié des temps modernes. La situation est sans doute autobiographique, qu'elle ait été ou non pensée ou voulue ainsi. Je n'ai pas lu ce que l'on dit de ce film mais on pourrait aussi bien y voir une sorte de rêve prémonitoire, compte tenu de la fin tragique de l'auteur. On pourrait y voir la fatalité acceptée par le fils, convaincu de devoir laisser le monde pleurer derrière lui. L'image de la mater dolorosa une fois de plus jouée et rejouée.

Difficile pourtant de voir ou de revoir aujourd'hui ce film. Les standards modernes ont évidemment beaucoup changé et les cadences de scènes aussi... 50 ans ont passé et les évocation picturales ou bibliques paraissent trop appuyées, les travelling semblent très longs et redondants. Au fond, c'est l'ennui qui domine : celle d'un gamin oisif à l'écran comme celle de certains spectateurs plus ou moins captifs dans la salle. Les lycéennes à ma gauche, quoique attentives et bien sages pendant une longue période du film, ont fini par allumer leur smartphone. Mon dos qui n'a pourtant pas encore l'âge du film a eu quelques difficultés à supporter la forme obligée du fauteuil. Mais comment connaitre d'une autre façon cette bande précieuse ?

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.